Julien, c’est un
océan de contradictions, comme des courants, qui s’accumulent et le poussent à
vivre. En fait, il a mis du temps à vivre complètement sa propre vie. Un peu
comme tout le monde c’est vrai, mais lui, il n’aime pas faire comme tout le
monde. Et ça, ce n’est pas même pour se donner un semblant de ce que certains
appelleraient avoir de la « personnalité ». Non, c’est juste que
depuis tout petit, il est à part, dans son monde. Il l’a surtout été, quand il
s’est retrouvé expulsé de son lycée, en première. Là, c’était quelque chose. Cette
période, elle l’a marquée plus qu’aucune autre. Ce fut, le premier gros
tournant dans sa vie, la première grosse chute. Ce qu’elle fut raide, la pente.
Mais il s’est accroché, enfin, il s’est raccroché, à d’autres, comme il le fait
depuis tout jeune. Avant de comprendre que, pour être bien avec d’autres
personnes, il faut d’abord être bien avec soi-même. Et puis il a changé ses
fréquentations, il aime bien traîner avec des gens plus vieux que lui, dehors,
jusqu’à tard le soir, à fumer des joints et boire des coups. Ensuite, il
rencontre la vie active. Enfin, il connaît déjà un peu tout ça, vu qu’il fait
des marchés où il vend les fleurs de ses parents. Ses parents, les deux
personnes à qui il tient le plus au monde, et avec qui ça n’était pas toujours
tout beau tout rose. Mais il commence son apprentissage de la vie active dans
un restaurant, et c’est bien, pour lui, de faire ça. Car il est assez timide, à
la base, le mec qui arrive sur ses 18 ans et qui, pour le moment, n’est rien,
mis à part un « petit branleur », comme son père disait. Donc la
restauration et le service, il va en faire, pendant un bon moment, il y en a eu
des kilomètres de parcouru sur ses deux guibolles ! Après environ 3 ans
passés là-dedans, il se rend compte qu’il ne souhaite pas faire ça toute sa
vie, il veut tenter, expérimenter. Sauf que voilà, il est avec un CAP, c’est
vrai, et c’est déjà bien qu’il ait réussi à le terminer, mais il faudrait qu’il
obtienne au minimum le Bac pour mettre toutes les chances de son côté. Donc il
décide de faire une équivalence, un DAEU, pendant un an. Ça y est, il prend des
décisions, commence à faire des choix, à s’écouter. D’un côté, dans la famille
ça ne va pas fort, les parents ont pu trop d’activité, ils serrent les dents,
et la ceinture. Sa mère fait un choix aussi, celui de reprendre ses études, à
47 ans. Ça a beau être une femme, qu’est ce qu’elle a des couilles ! Faut
dire qu’aussi, travailler avec son père sans l’avoir véritablement choisi,
pendant 20 ans, il fallait se le coltiner. Désormais ils sont un peu dans une
impasse, il est au chômage, ses parents quasi interdits bancaire. C’est chaud. Sa
sœur fait ses études, sa mère a juste un contrat mi-temps dans un cabinet de
dentiste où elle y est secrétaire. C’est très très dur. Et puis un jour,
pendant l’année durant laquelle il passait son DAEU, au mois de février, il
alla bosser un peu au black pour un de ses anciens patrons. Le gars le convoque
dans son bureau, et lui propose un truc dément, il lui propose d’être
responsable d’un de ses restos ! Alors là, ça a fait plus d’un tour dans sa
tête, et puis il accepte ! Normal, il a pas non plus trop le choix pour ses
parents et puis il arrive quand même à s’organiser pour ses cours à côté. En
plus il rencontre une fille qui bosse dans un autre de ses établissements, tout
roule quoi ! il obtient son DAEU avec 15,55 de moyenne générale, il est
responsable d’un joli restaurant qui se nomme « La Table du Port » à
Carqueiranne. Oui mais voilà, la restauration, il en a sa claque. Et à la fin
de l’été 2018, où la France est championne du monde, il démissionne, c’est
trop, il suit la fille à Marseille, en 5 jours, il trouve un BTS en alternance,
toujours en Hôtellerie-Restauration, un appartement, un boulot. Ensuite tout
part en cacahuètes deux mois plus tard, la fille et tout le reste. En même
temps, il s’est raccroché à quelqu’un, encore trop. Donc fin novembre 2018, il
se retrouve encore confronté face à lui-même. Puis un soir, il cherche à lire,
c’est bien mais il a pas tellement de bouquins ce gars-là. Il se souvient de
son prof de français en BTS qui disait : « il y a des livres, des
films qui peuvent changer votre vie ». Sauf que Ju il le prend pour un fou
ce type. Et il se rappelle que sa mère lui avait donné un petit roman qu’elle
avait lu peu de temps avant : « L’Homme qui voulait être
heureux », de Laurent Gounelle. Alors il le commence, pour s’évacuer
l’esprit, et il le dévore, il le tombe en une soirée, PAF ! Il décide,
encore, de monter voir sa sœur à Paris pour faire des salons de formations,
pour voir, parce qu’il aimerait voir le monde. Il a son idée en tête, le
cinéma, le théâtre, un souvenir d’enfance, lorsqu’il écrivait et tournait des
courts-métrages avec son voisin. Il l’exploite, il va à la rencontre de, hé
oui, parce qu’après avoir parlé à des milliers d’inconnus tous les jours, il y
va. Il rencontre une école, un homme, Patrick Fierry, qui présente son
établissement. Il a un coup de cœur, ok, il veut y aller. Il a jamais mis les
pieds sur les planches par contre, mais il veut tenter, il en a envie. En vie,
c’est ce qui le résume maintenant, il vit selon ses envies, il ne va pas
forcément à leur encontre, car avoir envie, c’est être en vie. Il trouve ses
moments de bonheur dans l’instant présent, car il a déjà pas mal vécu dans le
passé et que désormais, le passé ne l’intéresse plus vraiment. Ah si, pour
regarder brièvement le chemin parcouru, comme un sillage qui se forme sur la
mer. Il garde le cap comme tout bon capitaine puisque pour lui, le bonheur
c’est plutôt deux mots qu’un seul, quelque chose qui ressemble plus à la
bonne/heure, au bon moment.